Par: Carl Vallée et Vincent Geloso
Ce texte a été publié dans La Presse
Le Québec jouit d’une certaine autonomie au sein de la fédération canadienne. La constitution confère au Québec un gouvernement qui est censé être un partenaire égal du gouvernement fédéral et souverain dans ses champs de compétences. Le Québec exerce donc ses pleins pouvoirs – sur le plan légal – en santé, en éducation et en culture. Malheureusement, dans le contexte actuel, tout cela n’est qu’illusion et mirage parce que le Québec dépend largement d’Ottawa pour exercer ces mêmes pouvoirs, particulièrement en santé, par le truchement des dizaines de milliards de dollars de transferts fédéraux.
Sans égard aux différents transferts fédéraux que toutes les provinces reçoivent, le Québec demeure le plus grand récipiendaire de la péréquation, qui est, rappelons-le, un programme fédéral qui vise à assurer un niveau égal de services à travers le Canada considérant la capacité fiscale des provinces. En d’autres termes, seules les provinces les plus pauvres bénéficient de ce programme financé en grande partie par les provinces les plus riches. Le Québec recevra plus de 11 milliards de dollars de péréquation en 2017-2018, soit environ 10% de son budget total. Dans son histoire, la nation québécoise a pris les moyens – et avec raison – de défendre sa langue, sa culture et son patrimoine. Il est inexplicable et véritablement honteux qu’elle accepte sa dépendance au reste du Canada sur le plan fiscal et économique. Nous ne comprenons pas pourquoi les politiciens québécois ne prennent pas les moyens d’atteindre l’objectif de l’autonomie fiscale, la « péréquation zéro » et pourquoi ils ne remettent jamais en question l’existence même de ces transferts fédéraux.
Pourtant, ils pourraient se faire porteurs d’une vision positive pour le Québec. Imaginez un Québec qui développe adéquatement ses ressources naturelles, imaginez un Québec riche, imaginez un Québec autonome qui se présente à la table des conférences fédérales-provinciales avec un rapport de force nouveau, imaginez un Québec qui n’a pas besoin de se plier aux volontés du gouvernement Trudeau en matière de santé parce qu’il a les moyens financiers d’assumer pleinement ses pouvoirs constitutionnels et de prendre ses propres décisions. Il s’agit d’un objectif réalisable, la pauvreté relative du Québec n’est pas providentielle et est directement liée aux décisions que nous avons prises et que nous continuons de prendre.
La réalité est que le principe même des transferts fédéraux nuit au Québec et contribue à perpétuer sa dépendance. Cela est vrai pour toutes les provinces d’ailleurs. Les politiciens québécois qui reçoivent ces transferts du gouvernement fédéral peuvent promettre des politiques publiques inabordables sans le niveau d’imputabilité qui serait normalement exigé s’ils devaient taxer leurs propres citoyens. Année après année, donc, le Québec est à la merci de ces transferts fédéraux pour financer les politiques publiques qu’il a mis en place. Le fédéral peut utiliser son pouvoir de dépenser pour dicter aux provinces les conditions de son financement et ce même dans les champs de compétence exclusifs des provinces.
Cela mine le fonctionnement d’une fédération comme le Canada. Le fédéralisme repose largement sur le principe de l’autonomie des provinces dans leurs champs de compétence. Cette autonomie devrait normalement favoriser un climat de saine concurrence des politiques publiques entre les provinces, améliorant ainsi la qualité de vie de leurs citoyens qui peuvent choisir d’aller habiter une autre province. Les transferts fédéraux affaiblissent ces fondements et les gouvernements provinciaux qui adoptent des politiques favorables à la création de richesse et au développement économique se voient pénalisées tandis que les provinces qui prennent les décisions inverses ne paient pas le plein prix des décisions prises.
Il serait temps de considérer une piste de sortie du cercle pervers des mauvaises incitations générées par les transferts fédéraux. Il est tout à fait possible pour le Québec de réduire sa dépendance à l’égard de la péréquation dès maintenant en adoptant des politiques publiques qui encouragent la prospérité économique. D’ailleurs, l’autonomie du Québec vis-à-vis la péréquation est le seul objectif qu’il peut raisonnablement accomplir seul sans devoir se plier à la volonté fédérale. Par exemple, rien n’empêche le gouvernement Couillard d’explorer le potentiel énergétique de l’île d’Anticosti, au strict minimum, plutôt que de s’emprisonner dans un carcan idéologique anti-développement. Évidemment, l’adoption de ce genre de politiques publiques serait plus probable si le gouvernement fédéral procédait à la réduction des autres transferts fédéraux, laissant ainsi aux provinces le choix d’occuper cet espace fiscal ou pas. Dans une telle situation, le Québec pourrait faire les choix qui le distinguent du reste du Canada, mais il devra le faire en fonction de ses propres moyens en bénéficiant de la fierté et la dignité de sa complète autonomie.
L’ancien premier ministre Bourassa a déclaré au lendemain de l’échec du Lac Meech en 1990 que « le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement ». Donnons-nous-en les moyens.
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